Dinky blues

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Quand la frustration active une passion dévorante pour les voitures miniatures comme autant de cailloux blancs dans sa mémoire…Il était fier de sa collection de voitures miniatures, des « Dinky Toys », des Américaines pour beaucoup. Elles étaient rangées sur une étagère en verre. J’aimais particulièrement une Cadillac jaune, je la prenais dans ma main pour l’observer sous toutes ses coutures. Mais il s’énervait si je ne la remettais pas à sa place rapidement. Il était bizarre : je n’allais pas lui manger ses bagnoles !Gérard Salin, qui apparaît pour la première fois au catalogue de Ska, propose un univers humainement sombre à travers une écriture subtile et des mots justes.EXTRAITIl se dirige vers la porte. Dans son sillage, un parfum reste en suspens – un mélange de poivre et de cuir. Il saisit la poignée et pivote vers moi. D’ une voix enrouée, il me lance un appel.— Au fait… tu as des nouvelles de Monique ?Je fixe la glace : mes lèvres se crispent. Un blanc… Il n’insiste pas. Il sort et s’éloigne. J’ai besoin de réfléchir.Faut-il donner la nouvelle à Monique ? Il y a trente ans quand elle est revenue de Paris, pas un mot sur Robert, sur ce qui s’était passé entre eux. J’ai compris qu’il ne faudrait plus en parler, pourtant j’aurais bien voulu savoir. Mais là, aujourd’hui, d’une manière ou d’une autre, elle apprendra qu’il est revenu. Il vaut mieux que l’annonce vienne de moi. Donc je lui dirai, comme ça, en passant, en faisant court et neutre. Je vois déjà la scène : pas un mot, un léger raidissement du corps, les mâchoires serrées, un regard qui se perd loin derrière moi. Qu’est-ce que je viens faire entre eux deux, encore aujourd’hui ?